Elle
est ensuite vendeuse dans une boutique de mode alors très en
vue à Paris, La Toilette. Jean Du Barry, proxénète de haut
vol, la remarque alors qu’elle a 19 ans. Devenue sa maîtresse,
elle est aussi une prostituée de luxe sous différents noms,
notamment Mlle Langes. Lors d’un dîner, Jean Du Barry fait
l’éloge de la jeune femme à un valet du roi. Louis XV désire
alors la rencontrer. Jean Du Barry et Richelieu avaient sans
doute le projet d’en faire la maîtresse du roi pour qu’elle
l’incite à renvoyer Choiseul, leur vieil ennemi. C’est ainsi
que le roi rencontre une ravissante jeune femme dont la
personnalité a été affinée par des cours de philosophie, de
littérature etc. avec les meilleurs maîtres.
Louis XV tombe sous son charme à la première rencontre. Quand
il apprend son véritable état, il insiste pour qu’elle ait un
titre. Elle est alors mariée à Guillaume Du Barry qui vit à
Toulouse, et qui est le frère de Jean qui lui est déjà marié.
Le 1er septembre 1768 elle devient officiellement Madame du
Barry, titre qu’elle utilisait déjà en toute illégalité. Elle
est présentée à la cour en avril 1769.
Jeanne ne cherche pas à jouer de rôle politique ; elle égaie
le roi en digne remplaçante de la Pompadour. Elle bénéficie
d’une rente mirifique et reçoit des bijoux somptueux et des
domaines (Louveciennes, non loin de Marly, et Saint-Vrain).
Elle s'efforce d'être agréable à tous, et Voltaire, à qui elle
a envoyé deux baisers par la poste lui envoie ce célèbre
quatrain :
Quoi, deux baisers sur la fin de la vie !
Quel passeport vous daignez m’envoyer !
Deux, c’est trop d’un, adorable Egérie,
Je serai mort de plaisir au premier.
Cependant Choiseul affiche franchement son hostilité vis-à-vis
de la nouvelle favorite. Il laisse diffuser (il tient la
Surintendance des postes) ou suscite à son sujet des chansons
grivoises et même des libelles pornographiques (L’Apprentissage
d’une fille de modes, ou L’Apothéose du roi Pétaud). Elle se
rapproche alors du parti dévot. Mais Choiseul parait
intouchable. C’est lui qui a conclu le mariage du nouveau
dauphin Louis XVI de France et de Marie-Antoinette d'Autriche.
Cette dernière lui voue une haine profonde depuis qu’elle
connaît la nature de sa relation avec le roi (1770). En 1771,
au sommet de sa faveur, Jeanne obtient le renvoi de Choiseul
et le fait remplacer par le duc d’Aiguillon, ce qui accroît le
sentiment de haine de Marie-Antoinette à son égard. Elle
reçoit aussi l’honneur d’organiser le mariage du comte de
Provence avec la princesse de Savoie.
Lorsque le roi comprend qu’il est atteint de la petite vérole,
il envoie Jeanne à l’abbaye de Pont-aux-Dames ou elle vit dans
une grande piété. Elle en sort deux ans plus tard, en octobre
1776 et s’installe définitivement à Louveciennes.
En 1791, on lui vole des bijoux d’une valeur d'à peu près 60
millions d'euros. Sans probablement se rendre compte du danger
que cela lui fait courir, elle remue ciel et terre pour les
retrouver, ordonnant l’ouverture d’une enquête, promettant des
récompenses, et étalant ainsi imprudemment son immense
fortune. On retrouve ses bijoux à Londres et elle fait
plusieurs voyages dans cette ville réputée pour héberger des
expatriés de la révolution. Sa fortune, ses liens supposés
avec les émigrés, son ancienne condition de maîtresse royale
en font une cible parfaite pour les révolutionnaires. Elle
devient vite suspecte, est déclarée ennemie de la révolution
après un long procès prédéterminé, et guillotinée le 8
décembre 1793 après avoir révélé au bourreau où étaient cachés
ses derniers bijoux, dans l’espoir d’obtenir sa grâce. Ses
derniers mots au bourreau furent « De grâce, monsieur le
bourreau, encore un petit moment. » |